mardi 9 septembre 2014, par Mireille Disdero
Un énorme bateau glisse sur le fleuve. D’abord point sur l’horizon, il est mangé par la brume qui consume tout désir de lumière. Il prend forme pourtant, lentement, en avançant dans cette eau grise qui plie sous lui et s’offre dans l’air froid venu de la mer du nord. Je la sens tout près, à quelques kilomètres de ma peau.
Une corne de brume. Nostalgie. Les flancs du bateau portent un nom venu du continent américain. Sur les rives de l’Elbe, on le regarde s’aventurer jusqu’à ce point de non retour, entre ciel, brume et nuit. Maintenant il s’éloigne, lourd. Les matelots nous font de grands signes et je pense à des phares miniatures qui sur l’eau nous empêchent de nous perdre puis de nous noyer comme de jeunes chiens.
Au retour, le soir a l’odeur chaude d’une taverne. On se cale dans un coin, le regard mouvant comme celui des marins. Une bougie s’enflamme devant nos yeux. Des bateaux tout au long de l’Elbe jusqu’à la mer glissent sur nos pupilles, même longtemps après. Ici à Hambourg, c’est si loin de la maison, si loin de la sécheresse des collines, qu’on ne pourra jamais l’oublier.
Y revenir, oui, pour respirer encore cette brume et l’emporter en nous à travers l’été.