mercredi 25 novembre 2015, par Séverine Capeille
Séverine Capeille : Bonjour Joe, et merci de nous accorder du temps pour répondre à nos questions. Peux-tu nous raconter ton enfance pour commencer ?
Joe Pilgrim : J’ai une grande sensation de cocon durant mon enfance. Je suis originaire d’une famille béninoise. Nous étions sept enfants qui allions à la messe tous les dimanches. On était des enfants de chœur.
C’est à l’église que tu as commencé à chanter ? Tes premiers chants étaient spirituels ?
Oui, c’est ça. A Pâques, on faisait un pèlerinage à Lourdes chaque année. On suivait nos parents. Mais l’éveil personnel à la spiritualité m’est venu après ce qu’on appelle « la confirmation » dans la religion catholique, où tu confirmes le fait que tu es chrétien et que tu as foi en Jésus Christ.
C’est ta première prise de conscience ?
Deux semaines après cette confirmation oui, c’est venu comme une évidence, une révélation : il y a une force de vie qui nous soutient et d’où l’on provient, qui nous a créés, et qui n’a pas spécialement de forme mais dont l’univers dans lequel nous vivons en est la forme physique.
C’est cette spiritualité qui a commencé à guider ta façon de chanter ?
Oui, J’ai fait un peu de chorale, j’ai chanté chez les scouts, et après j’ai rencontré le reggae music, assez tardivement, vers l’âge de vingt ans, en fin de lycée. J’ai traduit une chanson de Marley, « War », le discours que Haile Selassie a tenu aux Nations Unies, et ça m’a donné envie de transmettre un message humaniste. De plus, ma mère a renouvelé sa foi dans la pratique d’une spiritualité indienne et nous l’as transmise. L’une des pratiques de cette voie est de chanter des chants de dévotion en langue sanskrite (langue basée sur la vibration des chakras et retranscrite en sons par des mystiques-ermites appelé « rishis » ou poètes inspirés, il y a plus de 3000 ans)
L’humanisme… Avec les attentats que nous venons de vivre et cette progression du Mal qu’on peut constater ces derniers temps, comment l’humanisme peut-il essayer de se frayer un chemin parmi tout ça, et comment les chansons peuvent-elles encore être un vecteur pour des prises de consciences mondiales ?
Alors, il y a deux choses. D’abord, je vais rebondir sur comment la musique ou l’art en général peut être vecteur de tout ça. J’ai remarqué que suivant le pays où l’on se trouve, l’artiste n’a pas la même place. Dans beaucoup de sociétés, l’artiste a justement un rôle de porte-parole. La seconde chose, c’est que par rapport à ce qu’il se passe en ce moment, au Mal, c’est sûr qu’à l’échelle mondiale, c’est vraiment difficile d’avoir un résultat, et je pense vraiment que c’est individuel. Il y a une chanson que j’ai écrite dans laquelle je dis : « ce qu’il se passe à l’échelle d’homme à homme, c’est la même chose à l’échelle mondiale ». Je crois que c’est en soignant notre rapport à nous-même et notre rapport aux autres que le Mal peut reculer. En nous-mêmes il faut trouver cette énergie et cette force de pacifier nos relations. C’est ainsi que les choses peuvent avancer. C’est un jeu qui en vaut la chandelle. On n’a pas le choix. Il faut faire évoluer nos relations si on veut changer le monde. On voit bien que les manipulations, les trahisons… on les vit entre nous, individuellement, dans nos rapports les uns avec les autres, on se ment à nous-mêmes, on n’est pas forcément vrais avec les autres… Il y a plein de choses à changer en nous avant de vouloir changer le monde. C’est la seule façon d’y parvenir.
En une phrase, on pourrait dire « change-toi toi-même pour changer le monde » ?
Oui c’est exactement ça. « Connais-toi toi-même et tu connaitras le monde et son univers ». « Changer le monde commence par se changer soi-même » disait Keny Arkana.
Puisque tu évoques des citations, on va parler de celles qui annoncent chaque chapitre de l’album. Dans le livret qui va accompagner le CD, on peut trouver quatre citations. La première phrase : « ce qui se passe à l’échelle d’homme à homme est à l’échelle mondiale ». Cela signifie que dans la première partie de l’album tu fais un constat de ce qui se passe dans le monde ?
Le premier chapitre correspond aux trois premiers titres de l’album : Go Down The River, Open The Gate, Forward. Dans Go Down The River, je parle des entreprises, des multinationales, de la bourse, de l’influence qu’elles ont sur les peuples et sur leurs façons de vivre .
Open The Gate évoque l’Europe, les européens, l’Occident. Je dis qu’il est temps d’ouvrir nos portes en Europe, et d’ouvrir nos cœurs. Je dis dans les couplets que dans ce monde nous devons prendre une autre direction car nous faisons des conflits une addiction : les conflits, les messes basses, les commérages, on aime bien ça, et on alimente le conflit et ça devient source d’émotion, c’est un constat relationnel qui représente ce qu’il se passe à l’échelle mondiale. Forward fait un constat sur les anciennes traditions, je raconte un peu cette épopée des civilisations qui se sont arrêtées, qui sont tombées, je parle de Babylone, de Sodome et Gomorrhe, des royaumes africains… toutes ces civilisations qui se sont écroulées, effondrées.
Cependant, peu importe l’époque, il y a toujours eu des gens, toutes confessions confondues, de tous les peuples, qui ont voyagé pour aller en pèlerinage sur des lieux sacrés ou sur des points telluriques (car c’était souvent en rapport avec les énergies de la terre, avec des points énergétiquement forts, et ensuite on a fait des temples, des églises, des mosquées…). la recherche est la même pour tous, trouver la Vision de la Vérité. Tu considères que nous sommes arrivés à la fin de notre civilisation ?
Je ne sais pas si c’est la fin mais je pense que nous sommes arrivés à un carrefour historique.
On arrive ici à la fin du premier chapitre et tu nous dis globalement que c’est la fin. Ensuite, tu veux nous dire au chapitre 2 qu’il faut qu’on se réveille ? Tu nous annonces « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir ensemble comme des idiots ». C’est une phrase très connue de Martin Luther King. C’était une façon de rendre hommage à cet homme au passage ?
Oui, de rendre hommage à de grands hommes et femmes qui ont influencé l’humanité à vivre dans l’unité et la bienveillance.
Il y a des gens que tu aimerais citer à part Martin Luther King, qui ont eu une vraie influence sur tes choix de vie ?
Hailé Selassié, Gandhi, Nietzsche, Senghor, Cheikh Anta Diop Socrate, Jésus , Daniel Odier, Alexandra David-Néel, des anciens écrit apocryphes (d’auteurs anonymes) Carlos Castaneda et les 4 accords toltèques, Shri Mataji qui est une femme indienne qui a inventé le sahaja yoga, ce qui signifie « union spontanée », car le mot « yoga » veut dire « union ».
Cette phrase de Martin Luther King est un avertissement à tous ?
Oui surtout dans ce temps individualiste, on nous éduque à penser à nous-seul, à notre carrière ; rappeler que, de toute façon, on est ensemble, sur la même terre, donc c’est une évidence qu’on pourrait mourir tous ensemble comme des cons.
La chanson « Lion » débute le chapitre 2. Pourquoi cet animal ?
Je ne sais pas, c’est un esprit fort et protecteur je crois. Derrière le lion, il y a la lionne qui le nourrit, je pensais davantage à elle en fait . Cette chanson est plus une prière, adressée à l’esprit du lion qui a un aspect à la fois masculin et féminin. L’un des thèmes de cet album, c’est que la divinité n’est pas juste masculine, elle est également féminine. Cette chanson est particulièrement adressée aux religions et aux religieux, aux théologiens, pour rappeler que la divinité est aussi féminine alors que pendant des millénaires on a tout pensé par le biais du masculin. Dans les anciennes traditions, il y avait des sociétés matriarcales. Je pense qu’aujourd’hui on doit comprendre cette dualité, remettre ce couple en place, en nous-même et dans notre façon de pratiquer chacun notre religion, notre vie, notre rapport aux autres…
On est tous les enfants de la terre. Dans les Évangiles, Jésus dit qu’il n’est pas venu là pour éradiquer les modes de vie, il dit « aimez-vous les uns les autres », « aime ton prochain comme toi même ». Juste cette base-là, l’amour comme religion de base commune, peut changer la donne. Dans « lion », c’est ça.
« Travel in Babylon » c’est le récit d’un voyage…
Le récit d’un voyage à Londres. Durant ce voyage, il s’est passé plein de choses !
On dit que ce n’est pas la destination qui importe, mais le chemin, n’est-ce pas ?
Oui c’est rigolo. Je suis allé là-bas en car avec Eurolines et du coup on faisait des pauses. Je suis descendu et il y avait un frère musulman qui faisait sa prière et j’ai trouvé ça génial, ce mélange. Et puis, à une autre pause, il y a une famille qui m’a proposé à manger, et j’ai trouvé ça super. Il me semble qu’en restant connecté à l’énergie Mère et Père, on peut ouvrir des espaces avec les autres, on devient plus réceptif, dans un vrai échange, dans une acceptation, dans une empathie avec l’autre. Après, on n’est pas toujours au top, je dis ça car c’est un message qui vaut aussi pour moi, je ne pense pas être arrivé quelque part, j’ai juste compris quelques réalités et j’essaye de les vivre au quotidien, de les mettre en pratique, mais ce n’est pas facile, parfois on pète un câble, et il faut l’accepter, et se demander pardon, car c’est à soi qu’on fait du mal, et c’est comme ça qu’on peut demander pardon aux autres, en actes. C’est difficile mais c’est notre chemin d’humain sur terre. Pour moi, c’est ça l’humanisme, c’est avoir un comportement juste. Le juste doit être placé en haut comme objectif.
Défendre des valeurs, la moralité ?
Au-delà de cela, je crois que rien ne vaut l’exemple. Les défendre c’est les vivre, quand on les vit on les incarne et on donne envie aux autres. Un enfant qui voit un parent faire ce qui est interdit, ça ne marche pas. L’enfant est dans l’imitation de ce qu’il voit. Il suit l’exemple. Il faut s’éduquer soi-même pour éduquer les autres.
« Burn fire » découle de la chanson précédente. En fait, tout l’album est une longue histoire ? Et le but de cette longue histoire est de nous faire comprendre qu’il y a un chemin à suivre et que ce chemin est en nous-même ?
C’est tout à fait cela. « Burn Fire » est une imploration, une supplique. Pour moi la vraie révolution est là, en soi. Toutes les révolutions dans le passé se sont faites dans le sang. Il faut une révolution différente. Les multinationales jouent sur des tendances que l’on a tous. La consommation, c’est vouloir acheter le dernier truc. Certaines personnes vont acheter de façon compulsive parce qu’elles ne vont pas bien, et ces multinationales ont bien compris la faiblesse humaine et jouent sur nos faiblesses. Si on travaille sur nos faiblesses, ils n’ont plus de prises.
Oui, mais ça demande des efforts que les gens ne sont pas forcément prêts à faire, ça veut dire qu’on abandonne notre confort…
On vit dans une belle cage dorée. On nous fait croire qu’on est libre mais on nous impose une norme. Soit tu es dans la norme, soit tu dois dégager. C’est une prison à ciel ouvert car effectivement on est obligé d’acheter des choses, de vivre avec son temps, mais à un moment, il y a un rééquilibrage qui doit se faire. Plus on sait qui on est et moins on a besoin de choses superflues. L’alter-mondialisme et l’humanisme se rejoignent, on doit se désaccoutumer car on est drogué par tout ce qu’on voit à la télé, dans les pubs… La consommation est une drogue. On doit retrouver ce dont on a besoin réellement. Bien vivre, bien manger, boire, respirer, bouger (être bien dans son corps), bien penser, ce sont les piliers pour bien vivre, les besoins premiers de l’homme. Il y a un chemin à faire. Il faut trouver de nouvelles idées, entre nous, dans l’échange, en discutant. Un homme ne peut rien faire seul, on a besoin des efforts communs de chacun. « Burn fire » veut dire qu’on a un nettoyage à faire en nous. Le feu purifie dans toutes les religions, il nettoie. C’est un feu intérieur qui brule nos passions négatives, celles qui gênent un bon fonctionnement entre les êtres humains.
Tu as fait un état des lieux, ensuite tu parles de ce qu’on peut vivre entre nous. Au chapitre 3 tu cites une inscription sur le temple de Delphes « connais-toi toi-même. ».
C’est très difficile d’arriver à se connaître soi-même, et puis il faut du temps. Dans certaines familles, il faut ramener de l’argent, gérer le quotidien, les factures, des priorités matérielles… on n’a pas le temps de penser à soi. On nous invite à ne pas penser à nous, à ne pas se poser de questions. Je fais vraiment l’éloge de l’intuition, qui est une porte ouverte vers nous-même, par les rêves par exemple.
Les enfants ont beaucoup d’intuition mais on leur dit de rationnaliser, intellectualiser, faire marcher leur tête…
C’est pour ça que je pense qu’on est à un carrefour important. On a accumulé assez de connaissance, on peut tout savoir via internet, mais à quoi va servir cette connaissance, et pour quoi, pour qui ? Il y a une rééducation à faire.
Nous sommes au chapitre 3 et c’est « Holy Light » qu’on entend, en version acoustique…
C’est une version acoustique d’un morceau composé avec un producteur dub, Mayd Hubb. Il a fait l’instru de ce morceau et j’ai posé les paroles dessus. On a enregistré le titre dans un camion en haut d’une colline, c’était drôle. C’est à la demande des Ligerians que ce morceau est dans l’album. Ils m’ont demandé si on pouvait reprendre ce titre qui était présent dans l’album « Mellowmoon ». C’est une version acoustique avec une guitare et un violoncelle.
C’est rare le violoncelle ! Il a d’autres instruments particuliers dans l’album ?
Il y a du violon sur « Burn Fire ».
Dans le refrain, je parle de la lumière sainte, c’est une lumière intérieure. Ce que j’ai appris de la lumière sainte c’est à être un vrai homme en disant des chants saints, et avec des actes saints, en empathie avec les autres. Je tends vers ça. Je pense que c’est le chemin qui compte. Rassemblons-nous. Le Djihad, comme disent les musulmans, c’est intérieur, le pire ennemi est en nous, et il faut combattre cet ennemi avec la volonté, la bienveillance envers soi-même et l’innocence (qualité primordiale à rétablir)
Que peux-tu nous dire sur « night and day » ?
C’est un morceau écrit il y a quelques années. Les soufis parlent du « Bien aimé » pour évoquer Dieu, il y a une relation d’amour. J’ai voulu faire une métaphore. Tu pourrais croire que je parle de ma bien-aimée, de ma femme, quand elle vient elle m’inspire, tu habites en moi jour et nuit, et je fais référence à une connaissance d’Inde. Là-bas, ils ont répertorié différents corps dont le corps subtil, composé en partie de roues énergétiques appelées les chakras. Un des moteurs de ces chakras est la kundalini, l’énergie primordiale créatrice du divin, qui est une énergie féminine. Parfois, on a des moments de clairvoyance : c’est quand l’énergie est éveillée. Un éveillé a cette énergie ouverte, qui sort par la tête où s’ouvre le lotus aux mille pétales, qui est la conscience suprême, la conscience de toute chose, ouverte à l’amour divin. Je fais référence à cette énergie par le biais de « ma bien aimée »
« Blessing light » est la chanson suivante…
C’est un morceau enregistré à Lyon avec un label roots qui s’appelle Ka records. Ils ont des musiciens et ils font des morceaux roots sur lesquels ils font poser des musiciens. C’est notre première collaboration enregistrée mais qui n’est jamais sortie et du coup je l’ai mis dans l’album. C’est une chanson qui parle de la sagesse qui guide l’homme à toutes les pages de sa vie, une lumière bénissante, encore une fois en rapport avec les intuitions qui guident. C’est un morceau où j’exprime mes souhait et mes désirs pour notre humanité.
La sagesse n’est pas réservée qu’aux personnes âgées ?
Les personnages sages disent de regarder les enfants ! Ce sont eux qui ont l’innocence, et c’est la première qualité. C’est quelque chose d’inné qui est progressivement voilé. Il faut enlever ces voiles et laisser sortir l’innocence, à ne pas confondre avec la naïveté. De ce socle d’innocence, la sagesse peut venir à travers les intuitions.
En fait, il faudrait s’occuper un peu plus de l’enfant qui est en nous ?
Oui, notre enfant intérieur. Quand j’ai eu ma fille, je me suis dit « sois un père pour toi-même ». Si je veux être un bon père pour ma fille, il faut que je m’éduque moi-même. Ce n’est pas simple car en grandissant on prend de la fierté, de l’orgueil, de la vanité… il faut arriver à se détacher.
C’est le projet de toute une vie que tu nous délivres dans ce premier album ! C’est ambitieux de nous dire tout ce qu’on est appelé à faire dans la vie !
Pour moi, cet album est une compilation. Je ne dis rien de nouveau. Ces paroles peuvent être retrouvées dans toutes les religions, dans toutes les philosophies, dans tous les mouvements… ce sont des évidences. On a accès à tout et en même temps on est dans l’inconscience de tout. Il faut se recentrer.
Le dernier chapitre s’appelle « incarnation ». « Quand le dernier arbre aura été abattu, lorsque la dernière rivière aura été pollué, lorsque le dernier poisson aura été pêché, alors ils s’apercevront que L’argent ne se mange pas ». Géronimo pour terminer ?
Les amérindiens sont des grands prophètes dont on a beaucoup à apprendre. J’ai envie d’aller là-bas et de passer du temps avec ces gens-là. C’est un grand projet. Ce chapitre, « incarnation » signifie que, au final, le but ultime, c’est de comprendre qu’on est incarné sur terre, que ce n’est pas dans un au-delà qu’on doit faire les choses, c’est ici et maintenant qu’on doit les faire. Les trois dernières chansons font un hommage aux anciennes traditions. Dans ce morceau, je nous exhorte à regarder un peu plus dans la même direction.
« Like the sun » est un titre très personnel…
Une personne autour de moi a perdu son enfant. Elle savait pendant sa grossesse que l’enfant n’allait pas vivre mais elle a décidé de le porter jusqu’au bout, et quand elle a accouché, il est mort-né. Mais le jour de l’accouchement, il y avait un grand soleil et elle a compris plein de choses sur la vie et sur elle. Je dis « comme un soleil il est venu, nous éclairant, réchauffant nos cœurs, qu’est-ce qu’on connait réellement des lois universelles ? » et le refrain dit que parfois le temps est court. Parfois il est long. Mais quand le temps est court, ce n’est que de l’amour qui est reçu. Comment voir la lumière dans l’obscurité ? Chanter la lumière dans la noirceur ? Il n’y a que l’amour qui peut le faire.
C’est le seul morceau perso de l’album. Pourquoi ce morceau aussi perso ?
Pour faire honneur à cette personne qui est devenue ma compagne. Parce que ça replace le message que je veux faire passer, que la divinité est aussi féminine, que c’est l’amour inconditionnel d’un parent pour son enfant.
« Ancien tribes » termine l’album…
On a hésité à le mettre en morceau d’ouverture. Je cite toutes les anciennes traditions : les indiens d’Amérique, d’Afrique, les indiens aborigènes qui avaient une sagesse ancestrale forte… C’est un appel pour une renaissance des anciennes tribus, leur dire de revenir dans nos âmes. L’idée m’est venue après un voyage au Mexique, on avait joué là-bas, on était invité par une association qui est très dynamique au niveau de l’économie alternative, du transport alternatif. Les sagesses anciennes reviennent aujourd’hui, on a quitté l’aspect sacrificiel, culte. On a dû passer par le monothéisme pour arriver à se séparer de ces aspects. La divinité est intérieure. Les éléments de la terre sont forts mais l’esprit le plus puissant est dans l’homme. Les aztèques faisaient des rivières de sang ! Mais derrière tout ça il y avait une sagesse profonde et véritable.
Il faut se rappeler d’où on vient pour savoir où on va. Tout l’album est composé de façon à ce que chaque chapitre comporte trois chansons. Est-ce que le chiffre 3 est symbolique ?
Il l’est devenu ! Ce n’était pas prémédité. Il y avait treize titres au départ et j’en ai enlevé un parce qu’on va le sortir plus tard. Il s’appelle « Migrants » et est en rapport avec les réfugiés dans le monde, pour interpeller, dire « Regardez ! Ils ne se déplacent pas pour rien ! Il y a des guerres et ils bougent parce qu’ils n’ont pas le choix. »
Surtout que ce problème en est à ses débuts puisqu’il y aura prochainement des déplacements de population en raison des conditions climatiques et que ce sera bien pire….
Concrètement, ce morceau permet d’inviter plusieurs chanteurs et chanteuses reggae. J’ai envie de reprendre le concept d’une compilation de rappeurs français qui s’appelle « Onze minutes trente ». On va faire un clip. Au départ, je voulais le tourner devant une préfecture pour que les gens voient ce qu’il se passe. Je l’ai vécu dans ma famille. On a emmené ma tante a onze heures du soir pour qu’elle puisse attendre toute la nuit afin d’avoir une chance d’avoir un ticket qui lui permettrait d’avoir une chance d’avoir des papiers. Si tu arrives à trois heures du matin, c’est mort, il n’y a plus de place. Ma mère était choquée car elle s’est dit « c’est encore comme ça ? ». Rien n’a changé depuis 40 ans. Il faut prendre la réalité en compte. Mais ce qui est train de s’organiser, c’est qu’on va monter à Calais avec une équipe des « rastas du cœur » et on va faire une action là-bas. Donc, on n’a pas mis ce morceau et il restait douze titres, et les chapitres sont venus comme ça, en trois chansons par chapitre.
C’est encore une question d’intuitions ?
Oui, même le titre de l’album, c’est de l’intuition ! J’étais dans un train et j’étais en train d’écrire la présentation de l’album, et il y avait une fille, chanteuse d’opéra, bilingue, et je lui ai demandé de traduire ce que j’écrivais. Et quand on est arrivé sur « album called… », c’est venu tout de suite, le mot « intuition » ! Et j’ai gardé ce mot.
Comment la collaboration avec les Ligérians s’est-elle décidée ?
Un des guitaristes, Alexandre TARPINIAN, m’a contacté après avoir vu les clips faits avec Mayd Hubb et le groupe m’a invité pour la release party qu’ils faisaient avec Rod Anton, le chanteur avec lequel ils jouent. Quand on s’est rencontrés, le feeling est bien passé et ils m’ont invité à nouveau à Paris pour une autre release party. A partir de là, ils m’ont dit « on te fait un album ».
Ça arrivait dans un moment particulier de ta vie ?
Carrément ! J’avais commencé à jouer dans la rue et j’avais rencontré Pilah, le guitariste de Kaly Live Dub avec lequel j’ai découvert les sound system. C’est là que j’ai croisé un pote qui voulait faire du reggae. On a fait ça de 2004 à 2013. On a fait un tremplin organisé au Garance festival et on a gagné le tremplin qui permettait de jouer sur la grande scène. Mais le groupe s’est fini l’année suivante. Donc, fin de l’histoire de Inner Rose. Entre temps, j’avais rencontré Mayd Hubb et on a fait son album ensemble, les clips, les scènes… Et dans l’année qui a suivi la fin de Inner Rose, les Ligerians m’invitaient, donc tout s’est enchaîné.
L’album est la première étape de ce que tu considères comme une mission. Quelle sera la suite ?
J’ai envie de m’investir dans quelque chose de social. Le projet « Migrants » est déjà une première idée, et ensuite créer des alternatives ; un festival itinérant autour des alternatives, proposer des solutions concrètes aux gens… Je ne sais pas comment les choses vont se présenter mais j’ai envie de faire des choses concrètes. Pierre Rabi est une personne que j’aimerais rencontrer afin de pouvoir apporter ma pierre à l’édifice. Je me suis donné une mission, mais je ne suis pas le seul, il y a plein d’humanistes. Tous ceux qui veulent, unissons-nous et montons quelque chose qui soit suffisamment fort pour pouvoir donner un message concret aux gens. Il faut qu’on fonctionne de manière collective.
Quelles sont tes prochaines dates de concert ?
Le 20 novembre à Paris, mais tout dépendra de la suite des évènements actuels.
Le 4 décembre dans le 07.
Le 5 décembre dans le 43
On est en train de caler les dates pour 2016 donc à suivre sur notre page Facebook joepilgrimligerians
Tu as fait référence à l’importance des femmes. Puisque Sistoeurs est un webzine féminin, aurais-tu quelque chose à dire plus spécifiquement aux femmes ?
Il y a une espèce de guerre entre les femmes, qui est liée au système patriarcal dans lequel nous vivons. J’ai envie de dire la phrase de Gandhi, « Le monde évoluera grâce aux femmes ». L’instinct maternel, l’intuition féminine sont à écouter. Il y en a, mais il y a aussi beaucoup de jalousie, de coups bas… Il faudrait plus de solidarité entre les femmes pour qu’il y ait plus de force. Et c’est aussi un message aux hommes pour leur dire de retrouver notre part de féminité et de faire un gros travail sur nous au quotidien bien sûr mais également dans le regard que l’on pose sur nos compagnes, nos soeurs, nos mères, sur l’inconnue que l’on croise dans la rue. Replacer la femme à leur côté, sur un même plan.
Tracklist :
Chapter 1 : Illusions and Crises
01 – Go Down The River
02 – Open The Gate
03 – Forward
Chapter 2 : The Sparkling Light
04 – Lion
05 – Travel in Babylon
06 – Burn Fire
Chapter 3 : Intuitions
07 – Holy Light (Acoustic Version)
08 - Night & Day
09 – Blessing Light
Chapter 4 : Incarnations
10 – Blind Civilization
11 – Like The Sun
12 – Ancient Tribes