jeudi 2 août 2012, par Séverine Capeille
Dès le premier soir du festival, le public entonne un « Happy Birthday » en l’honneur de Rita Marley. Elle est sur scène avec les I-Threes, son groupe de choristes qui accompagnait déjà Bob Marley, resplendissante et visiblement émue.
Rita Marley Birthday Festival Reggae Bagnol 2012 par hugomayer
Le ton est donné. Tout le festival se déroule sous le signe de l’unité. Rita Marley, à soixante-six ans, doit désormais faire face à l’adversité de l’âge, comme bon nombre « d’anciens » également programmés pour cette édition exceptionnelle à tous points de vue. The Mighty Diamonds, Bob Andy (depuis 1966 à Studio One), Beres Hammond, Freddie Mc Gregor (quarante ans de carrière) ou encore Johnny Osbourne… les légendes se suivent et imposent le respect au regard de leurs prestations dynamiques et de leurs discours efficaces. C’est un engagement total, corps et âme pourrait-on dire, qui les anime, à l’exemple du groupe Israël Vibration rappelant à tous que le Temps et la maladie n’altèrent en rien la volonté de combattre la pauvreté, les inégalités et les discriminations. Ils chantent. Et leurs corps amoindris donnent une leçon d’humilité et de courage. Les jeunes artistes ne sont pas en reste. Toutes les générations se succèdent sur scène, mettant brillamment en actes ce que signifie le mot « partage ». Et ils sont nombreux à offrir une date unique en France, au Garance : Derrick Morgan, The Gaylads, Bob Andy, Leroy Smart, Freddie Mc Gregor, Cocoa Tea, Turbulence… Le public est conscient de l’importance des événements. Pas moins de cinquante mille personnes se retrouvent ainsi à Bagnols-sur-Cèze en cette année 2012, prêtes à braver le soleil et la poussière du parc Arthur Rimbaud.
Car il fait chaud. Très chaud. Il faut attendre que la nuit tombe pour respirer un peu et apprécier le souffle du vent qui danse à travers les arbres et les mélodies. Des familles au complet se sont déplacées, à l’exemple de cette maman venue avec ses cinq enfants âgés de deux à seize ans. On peut la voir avancer avec sa poussette, expliquer à l’un que Groundation est un groupe californien, répondre à l’autre que Beres Hammond ne viendra que le lendemain… Les galères du camping et de la poussette qui ne roule pas bien dans les cailloux du parc sont vite oubliées dès les premières notes de musique. Outre les légendes qui se produisent chaque soir, le Garance Festival permet aussi de remarquables découvertes. Ainsi, Magano, qui prend son envol solo après avoir assuré les chœurs pour Bunny Wailer, Warrior King ou Michaël Rose, et dont l’album est prévu à la fin de l’année. Ou encore, le groupe jamaïcain Raging Fyah, dont on parlera sans doute beaucoup dans les prochaines années. Une mention spéciale pour le groupe Morgan Heritage, qui se réunit après quatre ans d’absence et présente son nouvel album « The return », ainsi qu’à Alborosie, qui remplace Sizzla, annulé sans surprise au dernier moment. Le seul vrai bémol du festival est finalement l’absence de King Jammy, attendu le jeudi soir à la Dub Station pour un clash historique avec Mad Professor.
Hospitalisé après un infarctus, la nouvelle se répand dans le camping dès les premières heures de la matinée, laissant les plus connaisseurs totalement désemparés. Mais le désarroi est vite chassé par d’autres événements inédits, également proposés par le désormais incontournable festival off : le Zion Garden. On peut notamment y voir une interview de Murray Man, suivie d’un étonnant freestyle :
Si on regarde bien, on reconnait d’ailleurs Selecta Kty aux platines.
Le Zion Garden s’est organisé depuis l’an dernier, et se révèle désormais un lieu qui mérite de marcher quelques minutes sous le cagnard, offrant la possibilité de se réunir pendant la fermeture du site officiel et d’échapper pour quelques heures au camping.
Car c’est au camping que réside le véritable défi du séjour, dans un terrain hostile et des conditions d’hygiène plutôt douteuses.
Il faut toute la bonne humeur des festivaliers qui occupent les tentes avoisinantes pour parvenir à oublier quelque peu l’eau glacée des douches et les chiottes… en carton :
Il y aurait tout un paragraphe à faire sur le sujet tant le choix de ces WC alimente toutes les conversations pendant le séjour. Chacun y va de son anecdote, de son rire sarcastique ou de sa nausée (nausée qu’il faut viser dans le trou qu’il ne faut surtout pas regarder). Mais épargnons à ceux qui ne l’ont pas vécu les horribles détails de ces WC. Leurs désagréments s’endurent finalement plutôt bien grâce à l’ambiance qui règne sur le terrain Kingston.
On prend d’interminables apéros, on chante au rythme des guitares et des djembés...
on essaye de cuisiner, on joue aux cartes, ou on en profite pour graffer…
Le temps passe et nul ne se soucie de demander l’heure. Chacun vit au rythme des nuages, les pieds sur terre et la tête dans la musique. Et quand le soleil tape un peu trop, on peut se rendre au bord de l’eau. On peut s’accorder une petite sieste réparatrice…
Et rencontrer un petit King of Kings de quatre ans qui n’en est pas à son premier festival :
Une garderie pour les enfants des festivaliers est d’ailleurs proposée cette année encore à l’école maternelle Jean Jaurès entre 19h30 et 2h du matin. Une initiative qui permet aux parents de vadrouiller l’esprit tranquille. Ainsi, petits et grands profitent pleinement de ces quelques jours à Bagnols-sur-Cèze. Chacun vit une histoire en vert-jaune-rouge, mange même en vert-jaune-rouge…
Mais surtout, partage une aventure musicale et humaine toujours plus riche et intense.