Sistoeurs

Accueil du site > Humeurs > Le féminisme : Question de femme ou question d’âme ?

Le féminisme : Question de femme ou question d’âme ?

Article publié dans Le sarkophage n°5 en date du 22 mars 2008.

mardi 6 mai 2008, par Séverine Capeille

Le féminisme… bon sang, qu’est ce que c’est ? Depuis le lancement de Sistoeurs.net il y a cinq ans, on ne cesse de me demander mon opinion à ce sujet. Sous prétexte que je dirige un webzine féminin, je devrais logiquement pouvoir répondre à cette question sans la moindre hésitation, avoir déjà longuement envisagé tous ses aspects. Alors imaginez la déception de mes interlocuteurs quand je leur dis que…

Le féminisme, pour moi, c’est maman. Elle sait remplacer les tapisseries des murs, repeindre les plafonds, monter les meubles en kit de chez Ikéa ou Conforama, changer les pneus de sa voiture, remplacer une chasse d’eau, évacuer les éviers bouchés, accrocher une tringle et coudre des rideaux, faire cuire un couscous ou un pot-au-feu et écrire des courriers aux banquiers, reconnaître au premier coup d’œil les meilleurs rapports qualité-prix des petits magasins et découper les coupons de réductions des grandes surfaces, réciter des articles de lois aux huissiers et…

Il faut généralement un long moment pour tout détailler. Ensuite, je raconte que pendant mon enfance, nous allions voir tatie ou grand-mère. La première était une vieille fille octogénaire qui dirigeait, seule, un vaste magasin de chapeaux. Elle faisait les commandes, les comptes, les étiquettes qu’elle allait poser sur chaque article, en montant sur de vieux escabeaux… Elle astiquait les vitrines, les miroirs et le poêle en faïence qu’elle bourrait de charbon pour qu’il fasse toujours chaud… L’autre, qui portait souvent des tissus bariolés (avec une préférence remarquée pour les imitations léopard), changeait souvent d’amants depuis que son mari l’avait quittée. Elle partait « sur la côte », participait à des dîners… Et puis, maman aimait parler de l’arrière grand-mère, qui prenait toutes les décisions face à son mari mou et austère.

Le féminisme, je suis tombée dedans, et je ne pouvais rien y faire. Il n’y avait pas d’hommes dans la famille. Une fuite généralisée des pères. Il n’y avait pas de guerre. Pas le temps. Le féminisme, c’était mamie, tatie et maman. Un constat qui donne raison à Denise Bombardier pour qui « le féminisme constitue une idéologie pour femme seule ou sans enfants". Oui, le féminisme, c’était elles, et moi… Fille unique de celle qui a voulu un enfant seule. Moi, quand je rentrais dans mon allée. Quand je comptais les yeux sous les capuches et les bouts rouges des mégots qui émergeaient de l’obscurité, calculant hâtivement le nombre de mecs en train de squatter. Quand je disais « bonsoir », sans avoir l’air de trembler. Moi encore, dans les soirées, constatant avec dépit l’absence notoire de mes congénères sur les scènes hip hop ou reggae. Moi enfin, quand je suis allée à l’hôpital pour avorter.

Rien de bien particulier. Grandir au sein de femmes émancipées qui répètent inlassablement la nécessité d’« être indépendante financièrement » m’a conduit tout droit dans le bureau de l’assistante sociale du CROUS, quémandant une avance sur ma bourse pour payer mon inscription à l’Université. Je n’ai pas milité. Je suis née trop tard. Après le MLF, après Simone de Beauvoir. Je ne connais pas ce sentiment d’infériorité qui devrait me faire hurler avec les chiennes. Je n’ai pas de haine. Sauf quand l’assistante sociale du CROUS refuse de m’aider.

Tandis que des féministes acharnées débattaient sur la féminisation des noms, moi j’essayais de me cultiver. Ca peut paraître anodin, mais ça peut tout expliquer. Entendons nous bien. Les éléments autobiographiques de ce texte appuient mon sentiment selon lequel il y a autant de sortes de féminismes qu’il y a de femmes. Moi, je me suis moins sentie victime d’un système patriarcal que d’un monde globalisé. Moins sentie concernée par des crêpages de chignons sur le vocabulaire que par des filières littéraires sinistrées par la course à la rentabilité. Moins proche d’Isabelle Alonso dans son quartier huppé que des femmes seules qui constituent le tiers des bénéficiaires des Restos du Cœur. Moins proche d’un féminisme austère et castrateur que de Cindy Lauper chantant « Girls just want to have fun » dans une tenue déjantée.

Le féminisme, dans son contenu, est anémié. Un malade dont on ne cesse d’examiner le pouls pour savoir où nous en sommes de l’ensemble des évolutions de la société. Il prend parfois des formes un peu bizarres, produit des excroissances malsaines chez celles qui soutiennent mordicus que les capacités physiques de l’homme et de la femme sont les mêmes. Il devient, par la fièvre délirante de certaines, l’autre versant du machisme. Il engendre des hommes qui devraient s’excuser tous les jours, des enfants utilisés comme moyens de pression sur les pères, des femmes mues par « une attitude de possessivité vis-à-vis des enfants, qui empêcherait les institutions d’évoluer vers des rapports vraiment égalitaires. » (Denise Bombardier). Il n’est pas beau à voir, quand on le met sous la lumière. Lifté de bas en haut, en passant par le cul béni et la paupière. Hybride, il se déchire le foulard islamique à l’école. Au nom du droit des femmes, certaines souhaitent exclure les élèves et d’autres s’y opposent (L’association Femmes publiques, notamment). Il finit par se taillader les veines à force de manquer de discours critique sur lui-même.

Mais parlons d’actualité. Une grande campagne de publicité va être organisée pour montrer « l’effort collectif à faire afin de défendre l’égalité dans les entreprises ». Parfait. C’est Laurence Parisot qui annonce la nouvelle à la télé. Un exemple de femme émancipée, PDG de l’IFOP. La femme que je suis accueille d’un bon œil les sanctions prévues concernant les inégalités salariales dans les entreprises à partir de 2009, mais que pense l’employée, écoutant cette Présidente du MEDEF affirmer que le bonheur est dans le travail et que « la précarité fait partie de la vie » ? Laurence Parisot, issue d’une famille de businessman, qui se déplace dans une voiture avec chauffeur en rêvant d’assouplir le code du travail, est une féministe, oui. De celles qui ne se remettent pas en question et préfèrent parler de « problème de misogynie ». De celles qui vous flinguent la poésie : « l’amour, c’est précaire, l’entreprise c’est précaire, c’est fragile aussi ».

Les féministes ? Mais de qui parle-t-on exactement ? Quelle femme ne peut se dire « féministe » en regardant la définition du terme : "Mouvement social prônant l’émancipation de la femme face à l’homme" ? Quelle femme, mais aussi quel homme digne de ce nom, pourrait regretter l’époque où il avait le droit de vie ou de mort sur la mère de ses enfants ? Le féminisme, pour une femme de ma génération, c’est évident. Cependant, la définition du dictionnaire est lacunaire. La dynamique libératrice du combat des femmes ne peut trouver son accomplissement que dans la mesure où elle devient une composante de l’émancipation de l’humanité tout entière. Et c’est là que les méthodes diffèrent. Pour la féministe Laurence Parisot, il semble que cette émancipation réside dans le travail et le précaire.

Comment les 1.5 millions de françaises qui vivent seules avec leurs enfants peuvent accueillir cette idée ? Elles qui cumulent les emplois dont les maigres salaires servent, pour l’essentiel, à payer la garde de leurs enfants pendant qu’elles vont travailler ? Comment l’ensemble des femmes, travailleuses précaires de façon largement majoritaire, peuvent-elles accepter ces propos ? Et pourtant… Quand une femme qui passait par là est interviewée au sujet de Laurence Parisot, elle déclare son admiration pour la présidente du MEDEF et conclut sur la « solidarité féminine » qui l’anime. Là, il faudrait qu’on m’explique…

Il y a beaucoup de femmes dans notre gouvernement. Elles ne cessent d’ailleurs de mettre cette particularité en avant. Mais font-elles une politique « féministe » pour autant ? Prenons Rachida Dati, la femme « symbole » qu’on nous présente comme un exemple de réussite (moi, je n’ai jamais voulu être ministre ou chef d’entreprise, mais bon) et d’intégration. Elle renouvelle ses discours contre les violences faites aux femmes et dans le même temps, elle refait la carte judiciaire en supprimant des tribunaux qui croulent déjà sous les dossiers et mettent des mois pour rendre leurs jugements. Les femmes battues (un décès tous les trois jours en France) devraient-elles se réjouir de voir leurs plaintes reportées aux calendes grecques en raison de tribunaux surchargés ? L’ensemble des femmes devraient-il accepter de voir les avocats et magistrats de ce pays manifester face à une totale absence de concertation avec la Ministre de la Justice ?

Mais c’est à la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, dont les idées sont pourtant « jugées féministes ou trop sociales [1] », que revient l’honneur de piétiner le fondement même du mouvement féministe : la conquête de l’enseignement. Valérie Pécresse a oublié qu’il fallait développer et transmettre la connaissance. Sa « loi d’autonomie des Universités », qui se caractérise par un recul du service public face aux intérêts privés, met en danger les filières non rentables d’un point de vue économique. Lettres, Arts, Sociologie, Philosophie, Histoire… n’intéressent pas les entreprises. Et pourtant. Antigone, chez les Grecs anciens, prête à mourir au nom de l’idée qu’elle se faisait de la justice, c’est de la Littérature. Et pourtant. Les « nouvelles Antigone » de 1977, qui réclamaient des nouvelles de leurs proches disparus sous la dictature en tournant sur la place de Mai, à Buenos Aires, c’est de l’Histoire. Et pourtant…

Valérie Pécresse a oublié que les filières a priori improductives sont essentielles pour une meilleure connaissance d’un monde en profonde mutation. A moins qu’elle n’y ait trop pensé… L’avant propos de l’ouvrage La mondialisation de l’ignorance permet de douter : « La confiscation de la démocratie, privation de la liberté individuelle, a pris une nouvelle forme à l’ère de la mondialisation économique ; il ne s’agit plus de construire des prisons physiques [...] mais plutôt des prisons intellectuelles soit par un faible niveau d’éducation soit par une éducation très utilitariste qui ne cherche qu’à former de bons techniciens avec très peu de jugement en dehors de leur champ de spécialisation. Après avoir habitué les populations aux sujets insignifiants dans un système de vedettariat, il devient urgent, pour l’idéologie dominante, de venir gruger dans ce qui reste encore de la pratique démocratique. » [2]

Féministe, la ministre ? Ignore-t-elle que les femmes mettent au monde les enfants, mais aussi la culture, la parole, la poésie ? En niant le fait que la transmission des savoirs doit transcender les besoins de l’entreprise, la loi Pécresse attaque les acquis sociaux, mais plus spécifiquement les femmes, pour qui les seules armes tolérées sont les mots. Car ce sont les filières non utilitaires, les Humanités, qui présentent les Antigone Modernes. Celles qui, au péril de leur vie, dénoncent l’apartheid (Nadine Gordimer, romancière sud-africaine, censurée dans son pays), la misère du peuple, la compromission des intellectuels, l’injustice faite aux femmes (Duong Thu Huong, romancière vietnamienne, emprisonnée), les effets pervers de la mondialisation (Arundhati Roy, pacifiste indienne)… Celles qui s’engagent pour la démocratie, comme Aung San Suu Kyi qui ne peut aller chercher son prix Nobel en raison de son emprisonnement.

Les femmes se battent avec leur plume. Elles jouent un rôle prépondérant dans ce combat pour un monde plus humain. Car, comment peut-on se dire féministe sans être humaniste ? Je refuse de croire que l’émancipation des femmes trouve son accomplissement dans la possibilité d’empiler des hommes dans un panier [3]. Je crois à la force du langage pour combattre la violence et laisser place à des sentiments empreints d’humanité. Je crois à un féminisme de con-bat, non pas celui qui passerait par une consommation effrénée de mâles mais par un rapprochement avec la gent masculine afin de permettre à ce mouvement de se transmuer en une puissante force humaniste, et de s’élancer à l’assaut de toutes les inégalités. Et pour finir, je crois en celles qui m’ont élevée, pour qui « devenir femme » importe moins que d’être « quelqu’un de bien », ou au moins d’essayer…

Notes

[1]  : France Culture

[2] M. Ebrahimi, La Mondialisation de l’ignorance, p. 25

[3] Voir le site Internet : http://www.adopteunmec.com/

19 Messages de forum

  • Le féminisme : Question de femme ou question d’âme ?

    6 mai 2008 22:34, par Caro la Vie en rose
    Superbe (intelligent, clair, direct, argumenté...) ! Et un si bel hommage dans une non moins belle conclusion.
  • Vives les Femmes !
  • L’article est vraiment bien écrit, il déclenche un "petit quelque chose" lorsqu’on le lis et il est impossible de s’arreter...Pour moi, c’est la deuxième fois, et je ne m’en lasse pas. =)
  • Oui, je te le dis encore une fois Severine, cet article est magnifique. Par la puissance tout en douceur qu’il dégage. L’intelligence aussi, la philosophie de la vie. Et puis ce rapprochement des êtres en conclusion, du féminisme à l’humanisme... Bravo !
  • Merci pour cet article, ni blanc, ni noir, mais tout en nuances. Merci.
  • Bravo pour votre article paru sur Le Sarkophage. Il est venu le temps de dissoudre les dogmes. Et d’allier les forces pour exprimer son refus.
  • J’ai répondu à cet article sur : http://www.e-torpedo.net/article.php3 ?id_article=2647&titre=Le-feminisme-Question-de-femme-ou&date=2008-05 (oups, ça dépasse le cadre de cette réponse...) http://www.e-torpedo.net/

    Voir en ligne : http://destroublesdecetemps.free.fr

  • Curieuse... Je suis allée sur e-torpedo, voir le forum posté sur ce magnifique article, une seule chose à dire : Jean-Claude Van Damme sort de ce corps !
  • équilibre féminin

    10 mai 2008 10:14, par Maxime
    En effet, une fois qu’on l’a commencé, on ne peut pas s’empecher de le devorer jusqu’a la fin ! ton article donne l’impression que tu as spontanément trouvé le juste équilibre entre émotion et connaissance de l’actualité : pour les passages ou tu évoques ta vie, et je trouve que tu le fais d’un façon si limpide qu’on ne se sent pas une seule seconde en position de voyeur potentiel : chapeau. A quand la suite ? tu a finalement l’air d’avoir envie d’en dire plus... mais je me trompe peut-être, influencé que je suis par ma volonté que l’article ne finisse pas tant il m’a hapé ! bonne journée !

    Voir en ligne : http://mirrorguy.over-blog.com

  • analyse très intéressante, lue avec plaisir

    Voir en ligne : http://www.celestissima.org/

  • "Le féminisme, pour moi, c’est maman." Pour moi aussi c’est maman. Mais dans mon cas de seul garçon de la famille, le féminisme c’était un machisme au féminin. "Elle sait remplacer les tapisseries ...". Moi aussi, j’ai vu ma mère faire les joints des murs dans notre maison en pierre. Mais je l’ai vue aussi énormément compter sur mon père pour faire des choses qu’elle ne savait pas faire. Mon père a toujours été bricoleur. Et j’ai vu ma mère gueuler sur mon père quand cela ne se passait pas comme elle le voulait.

    Par osmose, dans cette ambiance de gauche, j’ai intégré certaines idées qui me semblent naturelles. J’ai été élevé à égalité avec mes sœurs. Pour moi, une femme doit être indépendante financièrement. L’exemple de la femme divorcée de 40 ans qui s’est consacrée à ses enfants toute sa vie et se retrouve sans rien, ni même la capacité de gagner sa propre pitance, est édifiant. Malheureusement, quand j’ai dit ça à mon ex, elle l’a mal pris, elle qui aurait aimé rester à la maison. Hésitante toute sa vie entre les deux modèles (traditionnel ou émancipé), elle n’a jamais su choisir.

    Il m’arrive de critiquer un certain féminisme et je suis souvent mal reçu. Certains sujets sont devenus tabous dans notre société et il est parfois difficile de discuter des rapports hommes/femmes. Un certain esprit de revanche a traversé les générations, et moi qui ait été élevé à égalité avec mes sœurs, je vis mal le sentiment que l’on essaie de me faire payer pour les erreurs de mes prédécesseurs hommes.

    "Une fuite généralisée des pères" "’arrière grand-mère, qui prenait toutes les décisions face à son mari mou et austère" Hommes et femmes, nous formons un système dont il est difficile de séparer les parties. Quand l’un des deux prend la direction du couple, c’est aussi parce qu’il ne veut pas laisser le pouvoir à l’autre, pas seulement parce que l’autre est démissionnaire. Pour moi, ma famille a été un champ de lutte sans fin pour le pouvoir. Mon père n’’est pas parti. Mais il a renoncé il y a longtemps à répondre à l’agressivité de ma mère et lui a laissé le pouvoir. Conséquence : il a perdu tout respect auprès d’elle. (j’ai souvent entendu les femmes me dire qu’il fallait leur résister.) Les femmes doivent aussi se poser la question de la raison de la fuite des pères. La société est faite à 50% d’hommes et 50% de femmes, ce qui fait que chaque sexe est responsable à 50% de ce qui se passe dans cette société.

    « Mouvement social prônant l’émancipation de la femme face à l’homme » Malheureusement, il me semble que les féministes ont espéré séparer ces parties et cette émancipation a été menée contre les hommes au lieu d’être fait avec eux. L’Europe, voire la France, sont des endroits où l’émancipation a été la plus grande. Alors j’ai du mal quand j’entends certaines se comporter comme des victimes, rappeler ce qu’on a fait à d’autres il y a plus de 50 ans, au lieu de s’engager dans la vie politique. L’émancipation des femmes étaient nécessaires, certes, mais le féminisme a également réussi à se tirer une balle dans le pied.

    A l’heure actuelle, il me semble qu’il y a très peu de féministe parmi les jeunes femmes. J’ai plutôt le sentiment de croiser des consommatrices essayant d’en avoir pour leur argent ; auprès des hommes aussi. J’ai tendance à me considérer comme plus féministe que la plupart des femmes avec mon idée que les femmes doivent gagner leur vie.

    Les dernières élections présidentielles étaient intéressantes. On y a vu ségolène royal instrumentaliser la féminité avec son slogan "La France présidente". Malheureusement je ne pense pas que l’on élise quelqu’un pour le fait qu’il soit une femme (ou alors une fois pour le symbole). J’espère qu’on n’a pas élu obama parce qu’il est noir. Les statistiques semblent me donner raison, légèrement plus de femmes ont voté pour sarkozy que pour royal.

    "Quelle femme, mais aussi quel homme digne de ce nom, pourrait regretter l’époque où il avait le droit de vie ou de mort sur la mère de ses enfants ?" Pas moi. "La dynamique libératrice du combat des femmes ne peut trouver son accomplissement que dans la mesure où elle devient une composante de l’émancipation de l’humanité tout entière." J’approuve. On commence à parler "d’hommes battus". ça fait sourire les féministes. Il semble pourtant qu’une femme attrapant un objet contondant puisse faire pas mal de dégâts. Certes il y a moins d’hommes battus que de femmes battues, mais ce ne serait que justice de reconnaitre que cela existe. J’aimerais voir la création de centre pour humains battus au lieu des centres pour femmes battues et supprimer ainsi le clivage introduit par les féministes. Et je ne parle même pas de la violence verbale, qui n’a pas de sexe, j’ai pu le constater.

    Voila en réponse à ton histoire vécue du féminisme, je répond par la mienne, versée au pot commun.

    J’ai commencé à écrire mon histoire avant d’avoir lu en entier la tienne. Et j’ai étonnamment trouvé mes idées avec te mots. Réalisé ainsi, c’était un exercice intéressant. Étonnant de lire "’autre versant du machisme" après avoir commencé mon texte de la même manière. Étonnant de lire "des hommes qui devraient s’excuser tous les jours,". De lire "des enfants utilisés comme moyens de pression sur les pères" après avoir vu mon ex les utiliser contre son ex-mari. Bien vue, ton analyse du monde politique et de ses contradictions. Bref une lecture qui m’a fait réfléchir sur moi, sur nous tous.

    • Le féminisme : Question de femme ou question d’âme ? 24 novembre 2008 21:41, par Séverine Capeille

      A moi de te remercier pour ce témoignage qui apporte de nouvelles réflexions. Quelques phrases ont plus particulièrement retenu mon attention.

      Celle-ci d’abord : "Il m’arrive de critiquer un certain féminisme et je suis souvent mal reçu." Tu m’étonnes ! (oserais-je dire !)

      Rappelons-nous que les filles ont un énorme avantage sur les garçons : elles peuvent critiquer les féministes, et eux, ben non. Ou alors ils passent pour des machos arriérés. Enfin, quand je dis "énorme avantage", il faut quand même relativiser. On peut critiquer un certain féminisme, mais il faut y mettre les formes, judicieusement argumenter... Sous peine de se voir reprocher de trahir les combats passés ; d’entendre l’énumération de toutes celles qui ont contribué à notre émancipation si durement gagnée... Il faut dire qu’on se souvient, que l’on n’a rien oublié, qu’on est contentes de pouvoir étudier, bosser, avorter... et que oui, il y a encore beaucoup à faire, ici, ailleurs surtout... et que bien sûr, il y a les femmes battues, les femmes violées... et que les statistiques sont là, preuves à l’appui... On n’oublie rien. Mais maintenant, hein ?

      tu dis : "je vis mal le sentiment que l’on essaie de me faire payer pour les erreurs de mes prédécesseurs hommes." Eh bien moi je réponds que "je vis mal le sentiment que l’on essaie de me faire jubiler pour les combats de mes ( ??? c’est quoi le féminin de "prédécesseurs" ??? un dico dit que "Le corresp. fém. prédécessrice est except." Ok... donc...) mes prédécessrices (bizarre ce mot quand même) femmes"

      Enfin donc, je disais qu’en tant que femme, et si je m’y prends bien, j’ai statistiquement moins de chance que toi de me faire lyncher par des féministes. Autre équation : les hommes étant éliminés d’emblée dans le débat, il ne reste plus que la moitié des femmes pour essayer de convaincre l’autre moitié (dans le meilleur des cas bien sûr. Aucune statistiques à l’appui. On nage dans l’hypothèse !) de l’urgence de remettre à plat les idées. Autant dire que ce n’est pas gagné... D’autant qu’en fait, le combat "féministe", pour tout dire, on s’en fout. Ce qui nous intéresse, à nous, cette moitié de moitié (bon, donc 1/4 de l’humanité) qui constitue à mes yeux les "sistoeurs", c’est l’humain. Et là, il n’y a plus de femmes, il n’y a plus d’hommes, mais des êtres qui ont des divergences et des points communs.

      Regarde, tu es un homme, je suis une femme, mais je t’approuve jusqu’au bout des plus rigoureuses équations : "La société est faite à 50% d’hommes et 50% de femmes, ce qui fait que chaque sexe est responsable à 50% de ce qui se passe dans cette société."

      C’est vrai.

      Quant à ton constat : "A l’heure actuelle, il me semble qu’il y a très peu de féministes parmi les jeunes femmes." Tu as encore raison. La question est : pourquoi ? Quand tu dis que tu as "tendance à te considérer comme plus féministe que la plupart des femmes avec ton idée que les femmes doivent gagner leur vie", tu confonds l’indépendance et l’engagement féministe. Toutes les filles de féministes comme moi ont grandi avec l’idée de gagner leur argent. La question ne se posait même pas. Et en ce qui me concerne, la question même du féminisme n’existait pas. Quand je dis que "le féminisme, pour moi, c’est maman", je me souviens que sa phrase préférée quand on évoque le sujet est : « qu’un homme me prouve qu’il peut en faire autant que moi, et on en reparlera ! ». Fin de la conversation. J’ai été élevée dans l’idée de l’indépendance, pas dans celle de l’engagement féministe. Et je dis qu’il n’y avait pas de guerre. "Pas le temps". Il fallait « s’en sortir » disait maman ; « joindre la ficelle par les deux bouts » disait tatie... Alors pourquoi très peu de féministes parmi les jeunes femmes aujourd’hui ? Il y aurait sans doute beaucoup à dire. Mais c’est d’abord le concept de "féminisme" qu’il faudrait définir...

      "J’ai plutôt le sentiment de croiser des consommatrices essayant d’en avoir pour leur argent ; auprès des hommes aussi." Tu opposes les féministes et les consommatrices. Ce serait trop simple ! Il y a beaucoup de féministes consommatrices : elles s’appellent les Poulettes ! :-)

      Séverine

      • "J’ai plutôt le sentiment de croiser des consommatrices essayant d’en avoir pour leur argent ; auprès des hommes aussi." Tu opposes les féministes et les consommatrices. Ce serait trop simple ! Il y a beaucoup de féministes.."

        Après relecture de ce paragraphe, je ne sais pas très bien quelle idée je voulais exposer. ça ressemble plutôt à un ressenti brut de décoffrage restant à formaliser. Deux idées juxtaposées. La solution pour m’en sortir est de renoncer à qualifier qui que ce soit de féministe, de laisser le féminisme à nos parents, et plutôt de parler de femmes indépendantes. je pense que des femmes essentiellement consommatrices, ce n’est pas un progrès du point de vue du féminisme. Le bilan est mitigé. Émancipée mais prisonnière d’une culture de consommation.

        Et quand on voit la liste des œuvres que tu cites, on est en plein dans la consommation, le marketing :" Sex and the City, Le Journal de Bridget Jones, Le Diable s’habille en Prada, Blonde attitude, Sainte Futile…" On peut ajouter les spice girls ? Ces X dernières années, le marketing a pris acte que les femmes avaient leur propre porte monnaie, et pour avoir leur part, utilise le plus vieux stratagème, la flatterie. Girl Power !!

        Le marketing met en scène la femme indépendante pour la flatter. La pub où l’on applaudit une femme parce quelle ose entrer dans les toilettes des hommes m’a toujours fait hurler de rire. Quel courage ! Et le détournement d’une pub de shampoing par les nuls : "bonjour je m’appelle cindy crawford, je distribue des grands papiers blancs et tout le monde m’applaudit." représentant une femme d’entreprise menant une réunion devant une tablée d’hommes. A peine plus risible que l’originale.

        A la deuxième lecture de tout ça, je ne suis pas sur que les modèles proposés soient si flatteurs ..

        Peut être que les filles de sex and the city se veulent féministes ... je ne sais pas. Elles sont indépendantes certes. Je ne les trouvent pas féministes.J’ai jamais accroché sur cette série. Elle m’ennuie. Ma petite soeur l’adore, la femme d’un ami aussi. C’est donc que cela répond à quelque chose qu’elles ont envie de voir.

        J’aime bien citer une chanteuse, lio, une femme indépendante (4 maris, 6 enfants), même si ça peut faire pas sérieux : "le féminisme a échoué car les femmes ne pensent qu’à se trouver un mec et à faire des régimes." Indépendante financièrement, oui, mais indépendante des hommes ? non. Et donc on voit ces femmes dans ces séries courir après les mecs et soigner leur apparence ...

        Personnellement je préfère "desperate housewives" qui est plus pervers et plus drôle de mon point de vue.

        La femme actuelle est elle l’enfant monstrueux du marketing et du féminisme ? (mais non, le prenez pas mal !!)

        Je pourrais écrire encore mais la nuit avance. Alors pour finir, je cite une citation de ton article sur les poulettes : "Extrait du mot de l’éditeur concernant Gossip Girl : Bienvenue à New York, dans l’Upper East Side, où mes amis et moi vivons dans d’immenses et fabuleux appartements, où nous fréquentons les écoles privées les plus sélectes. Nous ne sommes pas toujours des modèles d’amabilité, mais nous avons le physique et la classe, ça compense."

        Putain, qu’ils sont cons ces américains. On sait même plus si ils sont sérieux ou si c’est du second degrès.

        • je n’ai jamais apprécié la serie sex and the city, quitte a faire ma puritaine, je la trouve vulgaire et superficielle à souhait ! pour ce qui est d’une définition actuelle du féminisme pour moi, ca serait effectivement d’être indépendante financièrement, mais aussi de revendiquer un regard égal face aux possibilités égales que nous avons homme et femme. Professionnellement, et c’est du vécu, on va éviter de te proposer un poste à responsabilité car à la trentaine, tu n’es plus fiable : tu risques de partir en congé mat !!! A la maison, suis désolée de constater que certaines tâches sont feminines ou du moins les hommes( pas tous mais bcp) le pensent. Enfin, pour moi être féministe aujourd hui c’est justement essayer d’ouvrir la conscience des jeunes filles que devenir femme c’est le boulot de toute une vie. on ne nait pas femme on le devient ! et de même pour les hommes !

          et re- enfin, être féministe c’est prendre conscience aussi qu’on a de la chance de pouvoir s’ex- primer, et lutter pour que d’autres le puissent ( lutte contre l’exision, lutte pour des droits égaux, travail égal= salaire égal, droit de vote aux femmes, lutte contre les maltraitances, violence conjugale...harcèlement sexuel....accès aux soins de partout dans le monde, assistance à l’accouchement, scolarité des jeunes filles, lutte contre mariage arrangé....la pédophile, l’inseste... ) la liste n’est pas exhaustive !

      • Tentative de définition 25 novembre 2008 00:16, par Éric

        Pour moi, une féministe est quelqu’un qui milite pour l’indépendance des femmes. c’est un acte politique. La femme indépendante est le résultat du féminisme.

        Je vois ta mère et ta grand mère plus comme des femmes indépendantes que comme des féministes. sauf quand ta mère dit "montrez moi un homme qui sache faire ce que je fais.". c’est une phrase militante pour moi. L’affirmation qu’une femme peut faire aussi bien qu’un homme (voire mieux dans cette phrase).

        Peut être pouvait on militer par l’exemple à une époque où la majorité des femmes n’étaient pas indépendantes. Sans dire un mot, tes parentes ont montré qu’une femme pouvait être indépendante, elles ont milité par l’exemple.

        Ce militantisme par l’exemple n’a plus aucun sens aujourd’hui puisque l’indépendance et devenue la règle. Enfin chez les jeunes femmes. J’imagine que les femmes plus âgées sont moins indépendantes.

        Pour moi les femmes de sex and the city sont indépendantes mais pas féministes. Elles n’ont pas de pensée politique. Ils me semblent même qu’elles essaient de rentrer dans un modèle traditionnel (mariage,enfants) et que c’est de ne pas y arriver qui les rend malheureuses. A part celle qui se tape tout ce qui passe. Mais on passe vraiment d’un extrême à l’autre.

        Ce dernier personnage est d’ailleurs intéressant, car il semble que pour certaines que j’ai croisé, se taper pleins d’hommes est un acte féministe. Mais là je ne comprends plus très bien.

  • PS : Est ce bien une mante religieuse dans le logo de l’association sistoeurs ? Quand on connait le comportement de cet insecte, n’est ce pas quelque part en contradiction avec ton article ?
    • Le féminisme : Question de femme ou question d’âme ? 24 novembre 2008 18:35, par Séverine Capeille

      Tu as raison Eric, la mante religieuse du logo est un tantinet provocatrice, visuellement accrocheuse, bien souvent hâtivement associée à un discours qui se voudrait féministe. En réalité, dès le début, je l’ai nommée "L’AMANTE RELIGIEUSE", qui est une contradiction bien plus pertinente à mes yeux ! j’aime les oxymores... et comme je l’explique dans un texte, "Sistoeurs, C’est l’incroyable sacre de la contradiction. Il y a les femmes culottées et les femmes qui en ont. Les amantes religieuses et les témoins du mac madame. Entre histoires de fesses et révolutions, il y a de drôles de drames. Des circonstances exténuantes. Des aspirations déçues et des convictions. Des exhortations à l’Innocence que notre Siècle accuse. Le tapage nocturne des mères et des muses. Leurs canons lancés sur le consulat de la ruse. Et des bombes en couleurs sur les fausses excuses. Sur les murs. Sur les frontières obscures.... (la suite ICI).

      En espérant avoir répondu à ta question :-)

      Séverine

      • Je rebondis sur l’insecte.

        Je m’étonne que tu t’étonnes dans ton introduction que l’on te demande de définir le féminisme. C’est peut être seulement un webzine féminin, mais avec des codes assez fort, les sujets abordés, la mante, le titre sistoeurs (sororité ?). A moi aussi, il m’est apparu tout de suite comme féministe. J’ai donc été content de constater que l’article était nuancé. (après on pourra discuter de ce qu’est le féminisme, en effet c’est vague).

        Ou bien voulais tu simplement prévenir que tu n’es pas une experte de référence en la matière, d’où ton traitement façon histoire personnelle ?

        Pour rappel, pour ceux qui ne connaissent pas, la mante religieuse est un insecte qui après avoir copulé avec le mâle, le décapite et le mange. Rien n’est donc perdu chez les mantes religieuses.

        la mante religieuse "souvent hâtivement associée à un discours qui se voudrait féministe". Je comprends que c’est un phénomène d’appropriation d’une insulte. Comme ces femmes se qualifiant elles mêmes de salopes pour avoir avorté. Et donc, en utilisant ce logo, vous vous associez dans l’esprit des lecteurs à un certain féminisme. Et pas le meilleur. Le féminisme castrateur.

        En lisant, on voit que ce n’est pas ça. Mais il faut se méfier du subliminal. Je comprends bien que c’est de l’humour, mais, désolé, devant ce logo de mante religieuse, je ne peux m’empêcher de tiquer ...

        PS : Sur le détournement d’insulte : saviez vous que l’une des explications de l’origine du mot jazz vient de "jass" qui signifie "le bordel", terme employé par les blancs pour qualifier la musique des afro-américains au début du siècle dernier ?

        Bon, je vais aller lire l’article que tu pointes.


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Newsletter | Nous contacter | Qui sommes-nous ? | SPIP
Les articles sont publiés sous licence Creative Commons.
Ils sont à votre disposition, veillez à mentionner l'auteur et le site émetteur.