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Dub Incorporation

le guide du Roots’ Art

dimanche 15 février 2004, par Séverine Capeille

Epoque de conformisme ouaté, de consensus, et même, de consentement ? Dub Incorporation ne veut pas se résoudre au silence cotonneux du repli. Le premier album du groupe stéphanois envoie des bombes sonores qui réveillent le tympan, balance des rythmes incandescents, des cadences pleines d’arrogance... Leur musique contestataire et colorée nous emporte dans un voyage au coeur du Vivant. Explications en forme de guide du « roots’art ».

Chanteurs sans frontières

Voyager est devenu un peu compliqué. Il faut pouvoir montrer pattes blanches avant de s’installer dans un avion. Techniques de biométrie (reconnaissance de l’iris ou des empreintes digitales) et identifications faciales de haute technologie permettent de savoir si l’on est digne de passer les frontières avec, pour compagnons de vols, des agents de sécu armés jusqu’aux dents qui nous matent de travers.

Dub Incorporation chante pour ceux qui voyagent dans les soutes de la vie babylonienne, pour « tous les réfugiés, les sans papiers, les demandeurs d’asile ou même les citoyens du monde » (« Holy mount »), et plus généralement, « pour tous ceux qui savent que le monde est dans le doute et l’heure est grave » (« My free style »). Petit trio en 1997, le groupe compte depuis 1999, une dizaine de rebelles pacifistes, de vagabonds de la scène indépendante, qui sillonne les routes avec, pour bagages terroristes, des lyrics assassines envers les gouvernements capitalistes.

Après deux maxi autoproduits, « Diversité » (septembre 2003) explore la mappemonde de ceux qui sont perdants sans jamais être vaincus. L’album développe une mutinerie sonore pour tous les « blacks, les blancs, les beurres » qui n’ont que leur rage et leur refus à opposer à une planète corrompue. L’insurrection au coeur, les Dub Inc. plantent des herbes interdites, des graines colériques, dans les jardins bien arrangés de la pensée publique. France, Etats-Unis... Afrique. Un voyage sur les fausses notes politiques, avec escales sur les inégalités sociales. Un combat en forme de « free style ». Une voix caverneuse (genre Lord Kossity) et une voix claire alternent dans la bataille. Tiken Jah Fakoli (victoire de la musique world en 2003) se joint au groupe pour une tuerie pacifiste sur « Life ». Les oscillations vocales répondent aux alternances textuelles, aux appels dichotomiques de pessimisme (les « visions » d’un « monde qui s’affaisse ») et d’espoir (« relever la tête, il n’est jamais trop tard »).

Caractérisé par le métissage et la tolérance, le groupe construit sa propre identité car « tous les enfants de Jah ne virent pas au cliché ». Exit donc, les sectarismes rastafariens tels que le sexisme ou l’homophobie. Exit aussi le look uniforme qui caractérise les babas, les bobos et autres troupeaux. Dub Incorporation a les idées larges. La vie dans les cités (« Rude Boy ») ou la galère des immigrés (« Galérer ») sont évoqués sans pour autant verser dans les clichés. Français, arabe, anglais... Les langues sont les visas de ces nomades énervés.

La route des ziques

« La musique n’est pas qu’un business » (« My Free Style »). Certes non. La musique est une histoire de « vibes », une quête qui claque le fadasse. Elle est, dans « Diversité », cette forme qui fait remonter le fond à la surface (Victor Hugo.) La souffrance des sans voix, la corruption des élites, la rumeur des trottoirs explosent dans un carnet de route modifié en carnet de notes. Les styles et les influences se mélangent. Comme son nom ne l’indique pas, le dub, pour le groupe, n’est pas une fin en soi. Entre ragga explosif, reggae inventif et raï plaintif ; entre parties toastées, ska revisité et chants kabyles éthérés, Dub Inc. mène son chemin sur la route des ziques, étonne son public par ses prestations scéniques.

Le solo strident d’une guitare électrique crépite dans la fureur des « Visions » du groupe. Incendiaire comme un éclair de rage. La batterie, la guitare, le saxo, les claviers, les percus, les choeurs font palpiter l’espoir sur les barres de mesure. Douze titres basanés. Douze coups de furie dans la gamme des vieux refrains de l’OMC. Certes, quelques imperfections pourraient être relevées, mais ce premier album rappelle énergiquement, par ses textes autant que par sa musique métissée, que la France est une terre d’immigration et de mélange, une terre où la réalité est parfois hors des sentiers battus, des chemins tracés à la craie par des stars ac’anémiées. Entre instabilité et recherche d’authenticité, le groupe catalyse l’époque actuelle, donne du souffle à la défense de cette « diversité culturelle » qui bat de l’aile. Et puisque « Le coeur est humain dans la mesure où il se révolte » (Georges Bataille), puisse le « Faya » (« Fire » en anglais) qui brûle en eux ne pas s’éteindre après ces quelques notes.


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