jeudi 15 novembre 2007, par Séverine Capeille
Après Sandrine et Joséphine (l’une s’est finalement installée à Montpellier tandis que l’autre est restée au Maroc), c’est au tour de Christelle de s’en aller. Elle avait déjà quitté Bellegarde pour Lyon, où nous l’avions rencontrée, et puis elle était passée par Montpellier avant de rejoindre Paris. On se voyait moins, mais suffisamment pour que chaque retrouvaille donne l’impression de s’être quittées la veille. Et puis quand on sait qu’on peut se rejoindre en deux heures avec un TGV, ce n’est pas pareil… non, pas pareil que lorsqu’elle vous annonce, en revenant de vacances, qu’elle va aller vivre sous les cocotiers.
La Martinique… Ce n’est quand même pas à côté. Elle a pris sa décision après un séjour de trois semaines en mai dernier. Elle a tout de suite annoncé la couleur : SOLEIL. Elle parlait comme les coquillages qui déversent la mer dans vos oreilles. A travers son discours, on pouvait entendre toutes les vagues d’espoir qu’elle portait, toutes les étoiles filantes de ses nuits sans sommeil. Elle s’exprimait encore plus vite que d’habitude, comme s’il fallait prendre le Temps de vitesse, comme si les flots de paroles devaient recouvrir l’immensité des océans, en attendant le sable pour s’apaiser... Christelle était pressée.
En même temps, elle l’avait toujours été. « Speed ». Tous ceux qui la connaissent pourraient en témoigner. Pour parler d’elle, il faudrait accrocher des syllabes sur une gamme vert-jaune-rouge et les faire résonner comme des grains de folie. Il faudrait épingler ses fous rires comme des papillons de nuit. Il faudrait fixer ses grands yeux, ses grands gestes, et son inépuisable énergie. Christelle est comme le mouvement frénétique des manèges, comme l’impulsion fascinante des toupies. Elle est éclatante à vous donner le tournis. Radieuse et drôle, elle est celle qui est toujours partante, et celle qui est d’ailleurs partie…
Elle est déjà dans l’avion à l’instant où j’écris. Le cœur serré, malmené par l’altitude et l’impatience, elle vole vers sa nouvelle vie. Elle va retrouver celui qu’elle a rencontré là-bas, qui lui affirme ses sentiments par téléphone depuis des mois. L’oiseau en métal déploie ses ailes, porté par les « toujours » et les « je t’aime ». Christelle traverse le ciel. Elle passe au dessus des calculs et des systèmes. Elle s’en va. Et dans son sac, elle n’a pas oublié le parapluie que ses copines lui ont offert, ni les sourires malicieux et complices qui accompagnaient cet improbable cadeau. Elle n’a pas omis de mettre les derniers clichés dans son album photo. Peut-être qu’elle pense encore un peu au passé, en regardant par le hublot…
Le trajet est interminable, et par moments elle ferme les yeux. On pourrait presque voir ses rêves à l’horizon de ses paupières. On pourrait presque lire ses prières. Alors nous, d’ici, d’en bas, on lui souhaite de s’épanouir et de trouver le bonheur qu’elle espère. On remonte un peu le chauffage et on envie son choix : Madinina. On imagine cette île lointaine où elle rayonnera sûrement au point de faire de l’ombre au soleil de là-bas… et on se dit qu’elle nous manquera.