L’évènement se déroulait à l’Usine, lieu essentiellement connu de l’underground Genevois pour sa boite de nuit. A l’Usine, il y a aussi un cinéma, le Spoutnik qui porte bien son nom. Cet endroit est une invitation à un voyage dans un autre temps et l’exposition se déroule justement dans ce lieu. La salle est, en elle même, un événement. L’ambiance est posée : canapés en cuir profonds et confortables, lampes avec lumière tamisée, bougies sur les tables et autorisation de fumer. Quel confort les amis !
On prend place et, avec intérêt, je me demande où sont exposées les photos. Le concept est original car c’est sur l’écran de cinéma qu’elles sont projetées avec, pour fond sonore, une bande-son de Mathieu Hardouin.
Voici ce que Mélanie nous explique de son oeuvre :
"A la frontière entre le tableau photographique et le tableau vivant, il se dégage de chacune de ces créations une mise en scène contrôlée où l’artifice est tout entier contenu dans la composition.
Elles abordent les problématiques du sujet ou du social à travers des situations localisées et représentent, en règle générale, des personnages dans une profonde solitude où les passions sont neutralisées. Ces personnages posent, arrêtant de ce fait le mouvement ou presque pour occuper une place précise dans le cadre, sans toutefois l’habiter. Les lieux choisis sont eux aussi décalés, empruntés à des espaces publics, des décors de magasins de vente de meubles, de cuisine, de cantine. Ils reflètent simplement un quotidien aseptisé, vide, répondant ainsi aux détachements de ses occupants.
Il se met alors en place des situations d’attentes, semblables à des états intermédiaires proches d’une évolution imminente, d’un renversement imprévisible installant ainsi chaque scène dans une étrange atemporalité."
Claire Viallat est une ancienne professeure de Mélanie, théoricienne et historienne d’art, voici ce qu’elle a écrit sur cette exposition photo :
« Les travaux exhalent tout particulièrement une ambiance de profonde mélancolie où flottent des personnages en proie à leur monde intérieur. Solitaires, presque absents, ils font face à la fenêtre. Ouverte sur un monde indistinct ou close, elle n’offre rien à voir de précis et surtout pas un ailleurs différent et salvateur. Ici, paradoxalement, l’ouverture vers l’extérieur renforce le sentiment d’intériorité et d’enfermement. Aucune échappatoire possible en dehors du regard que nous plongeons tour à tour dans ces espaces confrontant ce qu’ils ont de familier à ce qui nous en sépare. »
L’accompagnement musical renforce fortement ce sentiment d’angoisse et de solitude, il ne se passe rien, aucune action excepté quelques personnages qui au bout du compte semblent bouger ou respirer, on est entre la photo et le cinéma.
La lourdeur de l’atmosphère nous renvoie à notre propre solitude, à nos choix déterminants, à nos choix lourds de sens, à ces moments où la vie est suspendue, où l’on attend quoi, qui... Où l’on attend tout simplement.