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Les courants d’Hair

jeudi 24 mars 2005, par Laetitia Tendart

Pour symboliser la beauté féminine, qu’importe que les cheveux soient blonds ou bruns, ils doivent avant tout être doux et soyeux, s’enrouler autour des doigts sans accrocher, retomber sur les épaules dans un mouvement de cou parfaitement maîtrisé… Alors forcément, en comparaison, les cheveux « crépus », grainés et dénués de grâce, sont longtemps méprisés.

Au début du XXe siècle, les critères esthétiques relatifs à la beauté noire se mettent en place. C.J. Walker, offre une seconde vie aux cheveux crépus. Finie l’époque des cheveux difficiles à discipliner au naturel : apparaissent aux quatre coins du monde des noirs aux cheveux… lisses ! La rédemption.

Défrisé, le « nègre » trouve enfin sa place dans une société qui l’a vilipendé. Les années 60 clament haut et fort : « Black is beautiful ! » alors on suit les courants - d’Hair- et le mouvement s’impose au bout du fer… « Black is Beautiful », c’est clair, mais si on peut éviter le retour du cheveu naturel, on préfère…


Des cheveux chargés d’histoire, ou des livres ouverts sur nos vies.
Pendant les siècles d’esclavage, l’esthétique noire est ridiculisée. Les premiers critères de discriminations physiques relatifs aux noirs apparaissent, concrétisées par des idées péjoratives sur la peau, l’odeur, la sexualité et les cheveux. Avec l’abolition de l’esclavage, les noirs des Etats-Unis appartiennent désormais à l’histoire occidentale et se voient contraints, pour intégrer cette société, d’assimiler les valeurs du nouveau monde. Les noirs transforment ainsi leur apparence physique et sociale. Les ménagères s’activent. Et la débrouillardise paie. Au début du XXe siècle, la veuve C.J. Walker, domestique jusqu’en 1905, commence à fabriquer des produits cosmétiques. Les fers à friser voient le jour, provoquant une véritable révolution. Les « tantines » deviennent des femmes modernes, disent adieu aux nœuds et frisottis qui leur gâchaient la vie. Fini le calvaire ! Fini les moqueries !

Du crépu au cheveu lisse, ou « Chassez le naturel, il revient au galop. »
Le fer à friser est une bénédiction des dieux. Soit. Mais avant de devenir lisse, il faut endurer de longues heures de souffrance. Des heures à laver, peigner, séparer le cheveu avant de l’étouffer avec des tonnes de vaseline. Ensuite, il faut chauffer le fer, peigner et éviter de bouger sous peine de brûlures. On sent la vapeur brûler le cuir chevelu et la chaleur brûler le cheveu. Ca pue. Ca étouffe. Ca oppresse. Des heures à souffrir pour retrouver le cheveu crépu au moindre contact avec l’eau ! C’est alors que, pour pallier à cela, les ménagères ont l’idée de confectionner des lotions défrisantes plus fiables que le fer à friser. Et tout comme le fer, les lotions traversent les frontières.

Les flacons entrent dans toutes les maisons. C’est la gloire du défrisant, le « sauveur » de millions de gens. Un mélange corrosif composé de lessive, de pommes de terre et d’œufs crus qu’il faut appliquer sur les cheveux et laisser agir quelques minutes. Une mixture qui brûle le cuir chevelu, mais peu importe puisque les cheveux sont raides plus longtemps. C’est l’euphorie générale. Même les hommes s’y mettent (Malcolm X, Duke Ellington ...), et certains adoptent le style « conk » (défrisé, court sur les côtés et la nuque, gonflé sur le dessus). Des lotions comme « Kinkilla » et « Kink-no-more » (plus jamais crépus) sont lancées sur le marché. C’est la ruée.

On s’arrache désormais ces produits pour gommer cette négritude qui a longtemps été un handicap. L’Afrique elle-même n’est pas épargnée. Finies les chicottes (tresses nouées avec du fil) et les arabes (tresses plaquées). Le cheveu est désormais révélateur d’un statut social.

Du cheveu lisse au long cheveu, ou l’éternel problème.
Après avoir victorieusement (quoique momentanément) changé la texture du cheveu, il faut trouver un moyen de l’allonger. Certaines valeurs étant associées à la longueur, il faut rattraper la distance. Et pour cela, on crée les rallonges (crin d’un cheval), ce qui a l’avantage de procurer, en plus de la raideur, le choix de la longueur et la couleur. Dès lors, on voit partout des « mamiwatas » (femmes sirènes). Les négresses peuvent concrétiser leurs rêves de longueur (voyez Patra, Brandy, les sœurs Williams ou même Yannick Noah). On a, selon ses humeurs, le cheveu long, lisse, ou court.

« Black power », ou le retour aux sources.
Le rêve en mains, les Blacks exhibent leurs belles tignasses longues et raides. Les années soixante proclament cependant un retour aux sources, donc au naturel. Il s’agit de s’assumer et d’apprécier sa négritude, pour ne pas dire sa « crépitude ». Car le cheveu black est naturellement crépu. Le « renouveau » noir affiche l’afro, le court. De grands noms de la diaspora afro-américaine (Angéla Davis, Malcolm X, Jessie Jackson...) arpentent fièrement les rues avec « la Gouffa ». Mais les données ont changé et un retour au crépu n’est pas du goût de tous. On préfère le cheveu dénaturé. Il est plus doux au toucher.

« Dread » pour l’authenticité, ou mèches rebelles.
C’est avec Marcus Garvey, qui prône un retour sur la terre de ses ancêtres, que les dreads vont véritablement exploser. Pourtant c’est un phénomène qui existe depuis le Ve siècle (selon des croyances Hindouistes, les dreads sont le symbole d’une quête de spiritualité). On s’intéresse à la tendance Dread, et l’on remonte à Ras Tafari, prince africain, couronné Hailé Sélassié. Bob Marley, leader incontesté de la musique reggæ traverse les frontières avec sa crinière. Sa chevelure rappelle celle du lion, donc l’Afrique. A Kingston, les bidonvilles sont pourtant passés au tamis pour raser les rastas qui représentent, pour l’empire britannique, « L’africain primitif revenu à l’état sauvage ». Whoopi Goldberg, Toni Morrison, Lauryn Hill ont adopté les dreads.

« Curl attitude », ou Brushing.
Michael Jackson, dans « Thriller », débarque avec un curly. Mais des contraintes apparaissent. Il faut appliquer quotidiennement un fixateur liquide à base de vaseline. Ca dégouline de partout et l’on ne passe pas inaperçu !

C’est le brushing qui promet aux cheveux de voler au vent. Avec lui, on peut enfin passer la main dans les cheveux sans que les nœuds fassent sursauter, et sans salir son partenaire.

Cheveu synthétique, ou 100% « human hair »
Quand les cheveux synthétiques apparaissent dans les années 80, c’est une révolution. La femme noire est comblée, et l’on voit apparaître les premiers Tissages (qui consistent à coudre des cheveux synthétiques ou naturels sur des tresses). La négresse est aux anges, elle peut enfin passer « ses cheveux » derrière l’oreille.

Les techniques s’améliorant, on passe du cheveu synthétique au cheveu naturel, des tresses à la colle. La cerise sur la gâteau, si l’on peut dire, c’est l’extension. Naomi Campbell, Beyonce et Mary J. Blige en sont des fans incontestés.

"Black is business, ou Black is the color of my true love’s hair".
Selon certaines sources, il semblerait que les femmes afro achètent trois à cinq fois plus de produits capillaires que les autres femmes. Chez L’Oréal, on estime que les ventes de produits spécifiques au consommateur afro représentent 80 à 90% des ventes mondiales. C’est pour cela qu’ils ont fait appel à la star du moment, la sublime Beyonce Knowles, pour attirer la consommatrice afro. Mais personne n’est dupe. « Hot liss » sur un tissage lisse ne peut que lisser ! Parce qu’elle le vaut bien, Beyonce nous ment.

Naturels ou dénaturés ?
Beaucoup d’entre nous reviennent à la chevelure naturelle, mais on observe les regards surpris. On entend souvent « Tu vas craquer, tu te défriseras dans pas longtemps ». Un retour au naturel est qualifié de « radical » ou plus gentiment « roots », comme s’il fallait s’inscrire dans un courant quelconque pour éviter le parcours du combattant qu’entraîne le défrisage des cheveux. Rappelons que de nombreuses femmes se retrouvent les tempes dégarnies pour avoir agressé le crépu avec des tresses fines, des rajouts et défrisages. Que de temps et de douleurs pour tenter de maîtriser le cheveu rebelle avant que de le voir tomber, emporté par le peigne !

Souffrez pour être belles. Souffrez si vous le souhaitez. Stressez devant les lotions, les brosses et les heures à tresser. Moi je crois que la vraie beauté, c’est celle qui se révèle quand on sait s’accepter, tel que l’on est, sans tricher.

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