dimanche 2 novembre 2008, par Marlène T.
Elle lui dit, mais pourquoi, bordel, pourquoi t’arrêtes pas ? Et elle se ronge les ongles. Elle se ronge la peau au bout des doigts. Elle attaque la chair. Elle rogne l’os. Elle a bouffé la première phalange, et lui, il répond toujours pas. Immobile. Le regard bleu dilué, larmes et alcool.
Tu me rends malade, elle dit.
Tu me donnes envie de vomir !
Elle recrache un morceau d’ongle.
C’est ton truc l’autodestruction ? c’est ça ? ca te fait tripper ?
Il entrouvre les lèvres, hésite, cligne plusieurs fois des yeux comme pour tenter d’y voir clair.
Non, il dit. C’est pas de l’autodestruction. C’est de l’autoprotection.
Elle lèche ses doigts, s’attaque à la deuxième phalange, avale un morceau d’os qui se coince en travers de sa gorge. Autoprotection ? Mais tu te protèges de quoi, merde ? Elle a l’air de se demander. Elle se demande vraiment.
Alors elle se regarde en face, pour la première fois. Sans fard. Sans cette maudite indulgence qui lui fait se dire à chaque fois qu’aimer c’est naturel quoi ! C’est pas sa faute si elle a un cœur gros comme ça. Si ça déborde. Elle fait de mal à personne, elle donne juste de l’amour. Elle fait de mal à personne, n’est-ce pas ?!
Tu es belle comme une sirène, il lui dit. Et tu me glisses entre les bras. Entre les mains. Comme une anguille. Je suis qu’un connard d’égoïste, je sais, mais je voudrais parfois te serrer plus fort pour que tu restes là, rien qu’avec moi, toujours. Des fois j’ai mal au point d’avoir envie de te serrer, serrer jusqu’à ce que tu ne bouges plus du tout. Il tremble.
Il cherche quelque chose. Un verre, une bouteille.
Elle ronge doucement et le sel de ses larmes brûle la chair à vif.
Ils savent qu’ils ne changeront plus ni l’un ni l’autre. Une fois cuite l’argile ne se remodèle plus. Ils vont continuer à s’aimer avec leurs mauvais plis, dans cette vie froissée.
Il avale une gorgée d’un trait.
Elle ne ronge plus.
Il n’y a plus de doigt.