dimanche 29 janvier 2012, par Franca Maï
Une illusion optique.
La beauté n’est que théâtralisée.
La maladie décharne le corps qui tombe en lambeaux. Les os saillent en une farandole aigre.
Le ventre gonfle ourlé d’air sans vie, retenu par un coquelicot artificiel.
Le souffle de la faucheuse s’étend à la chair fatiguée lui indiquant son arrêt imminent. Mais je garderai le sourire. jusqu’au bout.
Fuck la mort !
Extrait du huitième roman de Franca Maï : DIVINO SACRUM carnet de bord d’une vieille cancéreuse fripée
La seconde irrigation ne se passe pas comme prévu. Tout semble m’échapper des mains. J’ai négligé le cagibi pour prendre mes aises dans la chambre et bénéficier de la lumière naturelle. Je squatte la potence de glucose. Elle m’est d’un grand secours pour maintenir le réservoir gradué rempli d’eau. Une cuvette bleu azur, placée à mes pieds accueille le manchon transparent qui permet la collecte des selles. Mais le débit soudain de flots incontrôlables liquides et hargneux déroute le matériel insubordonné répandant des traînées visqueuses et diarrhéiques au sol. Le tuyau d’évacuation muni du régulateur de débit et l’obturateur adhésif prennent une satisfaction malsaine à me faire tourner en bourrique. Des haut-le-cœur bataillent avec ma gorge et des crampes indescriptibles rongent mon ventre. Je vomis en même temps que je me vide. La panique s’installe. Une femme de ménage surgit promptement avec serpillière et balai. Elle répare les dégâts sans émettre de plaintes désagréables. Au contraire, elle me rassure et m’aide à me rallonger. Pourtant l’odeur est insupportable. Cette femme semble hermétique aux salves olfactives. Répugnantes. Elle nettoie, lave, javellise le lino. Tente l’impossible pour métamorphoser l’air. Elle ouvre la fenêtre et me tend une robe de chambre pour ne pas que j’attrape froid. J’admire cette jolie personne qui partage ma fange sans une plainte et pour un salaire de misère. Elle se retire en m’attribuant quelques mots d’encouragement. J’ai toujours l’odeur de décomposition dans les narines. Comme une seconde peau. Dont je suis incapable de me défaire.
« Enlevez les mouches ! ... enlevez les mouches... Filez-moi un insecticide puissant... vous ne les voyez pas... moi, si... Elles grouillent à l’intérieur de mes os, prêtes à festoyer, les garces !... ces porteuses de germes, ces suceuses de sang, ces expertes en survie, bourdonnent sans répit, me martyrisent et préparent leur lit de fumier à mes dépens ! ».
Je scrute le plafond d’une blancheur irréprochable et l’horizon tangue. Je me précipite vers le crachoir et je gerbe à nouveau. Assise, au bord du plumard, des hoquets déversant leur bile écumante, je tente de retrouver mes esprits. Une main chaude alors cale mes reins tandis que l’autre se, pose délicatement sur ma nuque, m’aidant à expulser tripes et boyaux. C’est toi, Guitan !... Tu es là, mon amour !... TU ES LA ! ... Tu es venu à l’improviste. Une bien belle surprise. Et tu t’appliques à me faire du bien. Désolée de ne pas être plus en forme. De te montrer les coulisses scabreuses de la pathologie. Dans ton regard, je lis la compassion et ça fait mal.